L'État agite le communautarisme pour cacher ses défaillances et empêcher la critique d'un modèle républicain à bout de souffle

En vue de la réouverture des établissements scolaires, le Ministère de l’éducation nationale a publié, sur Eduscol, une fiche intitulée « Coronavirus et risque de replis communautaristes ». Elle est censée, après le confinement, offrir « aux personnels en établissements » les armes pour « lutter contre les replis communautaristes qui portent atteintes aux valeurs du pacte républicain et contre toute manifestation de séparatisme ».

 

Les inquiétudes soulevées par le discours d’Emmanuel Macron en Alsace le 18 février contre l’islamisme et l’ambiguïté du concept de « séparatisme » employé à cette occasion, se sont avérées fondées. Sous couvert en effet de lutte contre la radicalisation religieuse, c’est la protection du sacro-saint dogme républicain qui est recherchée. Ainsi, en réponse aux manifestations jugées déviantes, les enseignants seront invités à opposer « dans le cadre d’un enseignement moral et civique (EMC) », les valeurs françaises parmi lesquelles (à côté de la laïcité et de l’égalité entre les femmes et les hommes) : « l’indivisibilité de la République » et « l’unicité du peuple français ».

Dans une démocratie, tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. La liberté d’opinion est un droit fondamental garanti par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789. Critiquer le gouvernement et remettre en cause jusqu’à certains principes politiques fondamentaux de la France, qui pour certains d’ailleurs relèvent davantage du mythe que de la réalité, est un droit, y compris en période de crise. Contester l’unicité du peuple français et l’indivisibilité de la République relève bien de l’opinion et non du délit. Ce point de vue doit pouvoir être exprimé librement, y compris dans un cadre scolaire, sans qu'il y ait à craindre qu'il n'induise une chasse aux sorcières.

 

La situation dans certains quartiers de la République ne justifie ni les amalgames ni les approximations. Elle ne se règlera pas par l’appel à des principes qui ne la concernent pas. 

 

Sans chercher à justifier le communautarisme que l’État agite pour cacher ses défaillances dans les quartiers difficiles, sans prôner le séparatisme qui ne les concerne pas, il est tout à fait possible en démocratie de critiquer certains principes considérés comme importants ; nous ne saurions accepter le rappel à l’indivisibilité de la République et à l’unicité du peuple sachant que c’est en leur nom qu’a été refusée la reconnaissance du peuple corse, notamment, mais aussi le droit à un statut à part entière pour les langues « régionales » en France ainsi que le droit à une dévolution véritable de compétences aux territoires qui la demandent.

 

Régions & Peuples Solidaires attire l’attention sur les atteintes à la démocratie latentes en période crise et sur l’attitude de l’État qui s’efforce d’empêcher la critique d’un modèle  politique à bout de souffle. Nous continuerons à nous battre pour la démocratie, et sa composante de la démocratie territoriale, ainsi qu’à utiliser pour cela et au besoin la critique du Gouvernement, même si certains principes fondamentaux de la République peuvent être amenés à en souffrir dans leur acception actuelle.

 

Régions et Peuples Solidaires, très inquiet devant les multiples dérives autoritaires du Gouvernement constatées depuis le début de la crise du Covid-19, exige le retrait de la publication et le respect sans condition du débat démocratique au Parlement, dans la société comme à l’école.

 

Gustave Alirol, président de Régions et Peuples Solidaires