Européennes: Chronique d’une campagne Régions et peuples solidaires (deuxième partie)

En Euskadi, le 18 avril

 

 

Bayonne accueille ce jour-là sa fête du jambon. La ville est bondée et le lieu de la conférence de presse est difficile à rejoindre. Journalistes et militants arrivent progressivement, ainsi qu’une délégation occitane venue du Béarn voisin. J’y rejoins ma colistière EELV Sophie Bussière, avocate engagée dans le processus de paix du Pays Basque, en lien avec le désarmement d’ETA. En Euskadi les abertzale soutiennent et animent tous les combats écologiques, et Sophie symbolise parfaitement, par son engagement professionnel et militant, la bonne coopération qui règne entre EELV et le mouvement basque.

 

 

Une délégation fournie du Parti Nationaliste Basque est aussi présente, ce qui est un fait nouveau car ils avaient jusqu’à présent préféré, pour les élections européennes, déposer une candidature de témoignage dans les seules communes basques. Ils sont cette fois aux côtés des militants d’Eusko Alkatarsuna, notamment Miren et Filipe qui ont préparé l’événement, avec Lucien Betbeder, maire de Mendionde, président du Biltzar (Assemblée) qui regroupe tous les Maires du Pays Basque. La gauche « abertzale » n’a pas donné de consigne de vote officielle, mais le journal Enbata, mensuel emblématique de ce courant du nationalisme basque, est venu à ma rencontre et donne son soutien. L’interview est à paraître fin avril.

Lucien Betbeder est le « candidat RPS abertzale » sur la liste. L’association qu’il préside a été le précurseur de la grande Communauté de Communes que la totalité des communes basques ont rejointe pour configurer une entité administrative apte à incarner institutionnellement un Pays Basque jusqu’à présent noyé dans le département des Pyrénées Atlantiques. Grâce à cette avancée, il existe enfin une institution sur laquelle flotte le drapeau basque.

Elle doit pouvoir évoluer vers une Collectivité à Statut Spécifique comme en dispose la Corse, et former ainsi une région de plein exercice en se séparant du département des Pyrénées Atlantiques comme de la « Grande Aquitaine », nouveau monstre hybride inventé par le pouvoir pour enlever délibérément toute consistance identitaire aux régions administratives françaises.

Le même problème se rencontre pour le Pays Catalan désormais noyé dans une « Occitanie » qui n’en est pas vraiment une car on lui fait tourner le dos aux régions Occitanes d’Auvergne et à celles de l’autre rive du Rhône, notamment la Provence. Il se pose aussi en Savoie, noyée dans une monstrueuse « Auvergne-Rhône Alpes », et bien sûr en Alsace que le gouvernement Valls a voulu arrimer à un Grand Est honni de tous les Alsaciens, comme les sondages le démontrent régulièrement.

A travers la démarche RPS et la candidature que je porte sur la liste Jadot, toutes ces démarches se fédèrent.

Pour rendre hommage à son engagement remarqué pour le processus de paix au Pays Basque, nous rencontrons Jean René Etchegaray, maire centriste de Bayonne et Président de la toute nouvelle Communauté de Communes du Pays Basque. Il nous reçoit avec Martine Bisauta, son adjointe, une écologiste de la première heure en Euskadi. Après un an d’existence, la structure intercommunale qu’il préside a pris son essor, et chacun en convient, y compris parmi les écologistes, son caractère de « rassembleur » permet d’avancer concrètement et rapidement.

Puis la journée enchaîne les rendez-vous avec les représentants du formidable tissu associatif abertzale, foisonnant d’initiatives et remarquable par ses résultats.

Première rencontre avec les promoteurs de l’euzko, la monnaie locale du Pays Basque lancée en 2013, qui est devenue la plus importante monnaie locale d’Europe. Des milliers de basques « achètent » des euskos. Le change est de un euro pour un eusko, et l’association gère soigneusement ce fonds qui garantit la valeur des euskos distribués. Cette monnaie fédère des commerçants qui l’acceptent et des consommateurs qui l’utilisent en priorité. Le bar qui accepte l’eusko bénéficie ainsi d’une clientèle fidélisée, et les euskos dont il dispose ensuite lui servent à acheter une partie de ses fournitures à des producteurs basques. Ainsi un patron de bistrot témoigne qu’il a changé de fournisseur pour sa bière et pris une brasserie du Pays Basque qui accepte l’eusko. Brasserie qui elle même, pour écouler ses euskos, achète sa matière première à une coopérative basque, dont les adhérents vont boire leur bière et la payer en euskos dans un bistrot basque qui les accepte. Et ainsi de suite, de proche en proche, c’est une « économie circulaire » qui s’installe et dynamise le tissu local.

L’association Seaska d’enseignement immersif en langue basque n’est pas moins intéressante. Ses résultats pédagogiques sont reconnus, depuis la maternelle jusqu’au baccalauréat.  34 écoles, 3 collèges et un lycée accueillent d’ores et déjà 10% de l’effectif total scolarisé au Pays Basque. L’enseignement y est donné en immersion totale et les résultats sont incomparables vis à vis du système dit bilingue tel qu’on le connaît en Corse. Développé depuis les années 70 ce modèle appuyé sur le statut de l’enseignement privé conventionné avec l’Etat a montré sa capacité à amener à la capacité de pratiquer couramment la langue basque pour les enfants, quel que soit le bain linguistique familial de départ. Les militants culturels basques regrettent beaucoup que les militants corses n’aient pas suivi la même démarche en Corse, car cela soutiendrait fortement leur modèle éducatif face aux coups de boutoir incessants de l’Etat qui, à chaque réforme de l’Education Nationale, sacrifie la place des langues régionales et menace le modèle qu’ils ont patiemment développé.

AEK pour l’enseignement pour adultes a son équivalent corse avec Praticalingua créé récemment à Bastia. Mais AEK est présente sur tout le territoire basque et forme des milliers de basques.

Et enfin Bizì ! (« vivre ! ») association écologiste présidée par l’infatigable Txetx, est à l’origine de multiples mobilisations, et notamment les « villages Alternatiba » qui ont essaimé bien au delà du Pays Basque.

A chaque contact le sentiment est le même : tous expriment un grand intérêt pour la démarche que mène RPS dans cette campagne, et une bonne compréhension des enjeux. Chacun ressent que si je suis élu demain, c’est toutes leurs démarches qui seront renforcées.

François ALFONSI