François Alfonsi. Neuvième sur la liste écologico-régionaliste de Yannick Jadot, il croit à un deuxième mandat de député européen malgré l’appel à l’abstention

Vous êtes seulement en neuvième position. Régions et Peuples solidaires aurait mal négocié avec les Verts de Yannick Jadot ?

 

Ma position correspond exactement au rang que j'occupais en 2009, deuxième sur la liste du Sud-Est, lorsque j'ai été élu.

 

En dix ans, vous auriez pu espérer une progression...

 

 

Sans doute, mais ce sont les contraintes de la négociation. Cependant, c'est une place raisonnablement éligible même si ce n'est pas gagné d'avance. Les sondages nous situent dans la zone où je peux espérer être élu, d'autant qu'en l'état actuel des choses, de toutes les personnalités corses engagées dans la campagne, je suis la seule en situation de pouvoir siéger au Parlement européen. Avec 9 %, notre audience actuelle, tout dépendra du nombre de listes qui passeront sous la barre des 5 %, mais notre marge de progression est bien réelle et avec un ou deux points de plus, ça passera.

 

Sauf que la concurrence vient de s'accentuer avec la liste Place Publique de Raphaël Glucksmann, ce qui réduit d'autant vos chances...

 

Je ne suis pas persuadé que le Parti socialiste ait réussi une grosse opération politique avec cet affichage. J'ai entendu dire qu'il y avait beaucoup de dissensions internes. Le PS est confronté à un vrai problème, ce qui ouvre en partie un espace plus large aux écologistes qui bénéficient d'une mobilisation croissante autour du climat, dans l'opinion publique, chez les jeunes en particulier. Je ne pense pas que la candidature de Raphaël Glucksmann vienne contrarier cet élan. J'aurais même plutôt tendance à penser le contraire.

 

Pourquoi, en définitive, écologistes et régionalistes cheminent-ils ensemble, en dehors de la volonté de ratisser plus large ?

 

Ce n'est pas nouveau, Max Simeoni avait été élu avec les Verts il y a précisément vingt ans en qualité de nationaliste corse. Il y a deux points forts de convergence : le combat nationaliste a, dès ses origines, des couleurs écologistes affirmées, l'Argentella, les boues rouges, la Vazzio, etc. ; dans le paysage politique, les verts échappent à la classification droite-gauche. Nous apparaissons tous les deux comme des forces politiques davantage tournées vers l'avenir, et ses grands enjeux, plutôt que bâties sur des schémas aujourd'hui dépassés.

 

Il n'y aurait donc pas un seul jacobin chez les écologistes ?

 

Le principe est de dire que les écosystèmes humains, ce sont les territoires où les populations sont en phase avec leur environnement, leur paysage, leur culture, leurs traditions, et ce principe-là, nous le partageons de façon durable.

 

Le PNC et Corsica Libera n'adoubent pas votre candidature et appellent à l'abstention. Un coup dur ?

 

Lorsque j'avais été élu la première fois, Corsica Libera avait soutenu la candidature d'Alain Mosconi, ce n'est donc pas un fait nouveau. Quant au PNC, c'est certainement la conséquence d'une mésentente avec Femu dans la procédure de désignation, pourtant respectée à la lettre. Il s'agit là davantage d'une réaction de frustration plutôt que d'un choix politique. Maintenant, et ça vaut pour tout le monde, l'intérêt pour la Corse, c'est d'avoir un député européen. Je pense avoir montré lors de mon précédent mandat que je défendais des positions qui allaient bien au-delà de ma famille politique et peut-être qu'une fois le canevas des candidatures définitivement établi, les attitudes à mon égard pourront évoluer, en tout cas, je l'espère.

 

Peut-on dire que vous êtes une victime collatérale de la lutte d'influence à laquelle se livrent le PNC et Femu ?

 

Par expérience, j'ai appris que toutes les constructions politiques se font avec des contradictions, des désaccords, des rapports de forces. Et si, depuis 2010, la famille nationaliste a réussi sa percée par son combat, ses idées et ses propositions, c'est grâce au fait que tout ceci est secondaire, l'essentiel, c'est-à-dire ce qui rassemble les gens, reste. Les Européennes, c'est un moment important pour réfléchir aux besoins de la Corse et pour la majorité territoriale, c'est d'avoir un poids vis-à-vis de l'État. Il y a une majorité absolue à l'Assemblée de Corse, trois députés, je pense que si un député européen s'y ajoute, c'est nécessairement favorable à l'aboutissement de nos projets.

 

 

Il faut rappeler aussi qu'au plus fort de la discorde, vous vous étiez rangé derrière Gilles Simeoni contre Jean-Christophe Angelini...

 

J'ai adhéré à Femu a Corsica le 2 décembre, jour de la fondation du parti, mais je m'étais déjà engagé un an avant au moment du processus de construction et de l'adoption des statuts, en octobre 2017. La dernière assemblée générale du PNC à laquelle j'avais participé, juste avant en septembre, avait approuvé le projet Femu. Par la suite, il y a eu un changement de positionnement que je n'ai pas partagé et j'ai continué sur l'engagement que j'avais pris.

 

Sur le plan affectif, ce n'est pas douloureux de quitter un mouvement dont on a été le cofondateur ?

 

Le PNC a été créé en 2002 au moment des accords de Matignon pour continuer le chemin tracé par l'UPC dont j'étais le secrétaire national. Ce sont des mouvements auxquels je me suis identifié de manière inconditionnelle, comme militant puis comme responsable, ils ont ouvert la voie à la victoire et c'est, bien sûr, toujours difficile à vivre. Mais à chaque fois, il faut avancer. En l'occurrence, se structurer pour franchir de nouvelles étapes. C'est ce que fait Femu a Corsica.

 

Roccu Garoby avait été désigné en juin dernier par le PNC pour être candidat aux Européennes. Il n'y a pas de tension entre vous ?

 

Il était candidat, le conseil fédéral de Régions et Peuples solidaires nous a départagés. Roccu a accepté le choix, il participe régulièrement à nos comités de campagne. Il a certainement été déçu, je le conçois, mais il est jeune et il a beaucoup d'avenir.

 

Quand on voit le sort réservé aux candidats corses, par exemple la vingt-sixième place sur la liste LR, l'île n'est-elle pas traitée comme quantité négligeable ?

 

Ce sont en tout cas autant de signaux donnés en ce sens. Je crois qu'aujourd'hui la Corse ne fait pas partie des priorités des autres partis. Un parti qui a une structure hexagonale a beaucoup de difficultés à avoir un avis sur la Corse, et seuls les écologistes avaient pressenti le basculement politique qui est intervenu. La Corse a surtout besoin de se construire un avenir par elle-même et pas par délégation d'une politique décidée au plan français. À cela s'ajoute le poids démographique - et donc électoral - qui est aussi un élément de l'équation dans la constitution d'une liste.

 

Souhaiteriez-vous, par exemple, le soutien de la droite régionaliste de Mondoloni qui s'est affranchie des états-majors parisiens ?

 

Je crois sincèrement que beaucoup vont réfléchir en fonction des intérêts de la Corse et pas simplement en fonction de combinaisons ou d'arrière-pensées politiciennes. Si on prend acte aujourd'hui que la Corse est dans une logique d'avenir qui est l'autonomie, il faut faire en sorte de privilégier les choix politiques, scrutin après scrutin, qui confortent ce projet.

 

Mais depuis vingt ans, de Baggioni hier à Simeoni aujourd'hui, Bruxelles refuse une clause d'insularité pour combler les handicaps de la discontinuité géographique...

 

Le traité européen la prévoit, seulement l'ensemble des États membres de la Commission européenne ne souhaitent pas sa mise en œuvre. Il faut établir un rapport de forces pour y parvenir. De grands États, à commencer par l'Allemagne, n'ont pas de réalités insulaires et donc aucun intérêt à ce que cette clause soit appliquée.

L'élargissement s'est effectué avec des pays de l'Est qui sont dans la même disposition d'esprit. Et les pays qui ont des territoires insulaires, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Grèce et la France, ont d'autres priorités. Gilles Simeoni, qui préside la commission des îles, est revenu une fois de plus à la charge pour que les États auxquels les îles sont rattachées, militent pour que cette clause soit activée. Mais ce n'est que par un travail de lobbying que nous y parviendrons.

 

Le retour d'Emmanuel Macron en Corse, vous l'espérez comme une session de rattrapage ?

 

On peut toujours espérer du mieux, d'autant plus que le concernant, il part de très loin après une première visite placée sous le signe plus que de la fermeté, de la fermeture. Aujourd'hui, il est confronté à de nombreux problèmes sociaux auxquels sa politique n'a, à l'évidence, donné aucune satisfaction. Ici, on attend des réponses aux revendications d'autonomie politique, de renforcement du développement économie, de lutte contre la précarité. J'espère que les reports de son déplacement lui auront laissé le temps pour une réflexion plus approfondie.

 

REPÈRES

  • 1953

Naissance à Ajaccio

  • 1976

S'engage dans le mouvement nationaliste

  • De 1987 à 1998

Siège à l'Assemblée de Corse, dans le groupe UPC, Unione di u Populu Corsu

  • 2002

Élu maire d'Osani, mandat qu'il occupe aujourd'hui encore

  • De 2009 à 2014

Député européen (liste Europe Écologie)

  • 2019

Candidat eux européennes sur la liste EELV-Régions et Peuples solidaires conduite par Yannick Jadot