Strasbourg capitale européenne : derrière les slogans, l’indigence

Les déclarations de Annegret Kramp-Karrenbauer, la présidente de la CDU, qui propose de mettre fin à « l’anachronisme » du siège strasbourgeois auront au moins eu ce mérite : mettre la vérité à nu.

 

Car au-delà des slogans, des vœux pieux et des incantations, il y a une réalité : Strasbourg est avant tout une ville de province, phare avancé du parisianisme et de l’administration française sur le Rhin. En Europe, l’image de Strasbourg renvoie d’abord à un passé de guerre et d’antagonisme franco-allemand. C’est ce passé qui est avancé pour justifier la position de Strasbourg comme capitale européenne. C’est cet argument que la présidente de la CDU estime être un « anachronisme ».

 

Une commémoration, ce n’est pas un projet d’avenir. Une ville européenne, ça ne se décrète pas à grand renfort de com’ institutionnelle, ça se vit. La comparaison avec la ville de Bâle, par exemple, est peu flatteuse pour notre capitale alsacienne, que ce soit sur le plan économique, culturel, industriel ou des infrastructures de transport. Et on ne parle pas de Bruxelles, ville officiellement bilingue ou de Luxembourg, ville trilingue.

 

Les racines du mal sont connues : Strasbourg n’assume pas son alsacianité et Paris ne veut pas d’une ville européenne, elle veut un siège européen en France. Nuance.

 

Aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, le plus européen des Strasbourgeois, c’est le M. Muller qui va faire ses courses au Baumarkt, regarde le Sportschau sur l’ARD, randonne le dimanche en Forêt-Noire et part au ski en Autriche. Ce fameux M. Muller qui donne de l’urticaire à Pernelle et consorts, prêts à le faire brûler en place publique pour « repli identitaire caractérisé ». Tant que Strasbourg n’aura pas à sa tête des édiles qui comprendront que Strasbourg est européenne uniquement parce qu’elle est alsacienne et rhénane, notre capitale sera condamnée végéter comme un glacis. La perte du siège européen ne sera alors plus qu’une fatalité contre laquelle les traités n’auront qu’un effet dilatoire.

 

Strasbourg ne restera européenne que si elle est capable d’inventer l’alsacianité du XXIème siècle, celle qui fait la synthèse entre l’héritage et le projet d’avenir. On saluera les efforts de la municipalité de se rapprocher — à nouveau — de Kehl par des projets d’infrastructures. Mais on cherche en vain un quelconque objectif linguistique (crèche immersive, école immersive, signalétique publique)… Tant que l’Alsace et Strasbourg n’auront pas de statut particulier permettant de s’affranchir du carcan jacobin, leur avenir sera condamné.

 

Il est illusoire de compter sur la prochaine « collectivité européenne » d’Alsace. C’est une autre illustration de ce jeu de dupe : un nom ronflant correspondant à un vrai besoin et, dans les faits, une coquille vide. Si les plus naïfs n’y voient que du feu, il ne faut toutefois pas compter sur nos amis européens pour se faire enfumer par l’opération de com’ macronienne.

 

Jean-Georges Trouillet,

Secrétaire-général et porte-parole

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