Arrestation de Carles Puigdemont en Allemagne : l’Union Européenne fonctionne contre la démocratie

Avec l’arrestation en Allemagne, le 25 mars 2018, de Carles Puigdemont, ancien Président indépendantiste de la Generalitat de Catalunya, le dernier rebondissement de l’aventure catalane nous en dit long sur ce qu’est fondamentalement l’actuelle Union Européenne, une Europe des Etats incapable de se réformer et de répondre aux aspirations démocratiques qui se font jour en son sein.

On peut approuver le principe de l’indépendance de la Catalogne – c’est notre cas à R&PS -, on peut être contre, le respect de la démocratie doit toujours l’emporter.

 

Légitimité juridique et légitimité politique

 

Encore faut-il bien s’entendre sur ce qu’est la démocratie et admettre qu’elle ne saurait être l’apanage des seuls Etats.

 

Les tenants d’une Europe des Etats ne manqueront pas d’objecter à l’indépendance catalane que les règles des systèmes juridiques espagnol et européen ont été respectées : la constitution en Espagne ne permet pas l’indépendance de certaines parties de son territoire et l’Union Européenne est tenue de respecter l’intégrité territoriale des Etats membres.

 

Néanmoins, devant la pression démocratique du peuple catalan (présenté très souvent comme anti-européiste alors qu’il a toujours affirmé le contraire), la légitimité juridique ne saurait l’emporter systématiquement face à la légitimité politique catalane fondée sur une volonté démocratique, forgée sur une longue période d’histoire, laquelle, c’est le moins qu’on puisse dire, n’est pas à l’avantage de l’Espagne.

 

Et si l’Europe et ses principaux dirigeants avaient une véritable légitimité politique, son devoir aurait été  de favoriser une solution négociée. Or, de légitimité politique elle n’en a pas. Et ce n’est pas avec la voie procédurale mise en œuvre en Allemagne qu’elle commencera à s’en forger une !

 

La responsabilité du pouvoir central dans la situation en Catalogne

 

La situation est certes complexe en Catalogne mais surtout complexifiée par la volonté des gouvernements successifs de l’Etat espagnol qui, depuis une vingtaine d’années, se sont arcboutés sur des moyens étroitement juridiques pour refuser une évolution du statut de la Generalitat pourtant réclamée par une majorité écrasante. Et en la matière la responsabilité du Parti Populaire et de Mariano Rajoy est particulièrement lourde, comme en témoignent encore ces derniers jours,  les arrestations en série des leaders catalans toujours en liberté après leur réélection, en particulier celle de Jordi Turrull, député catalan candidat au poste de Présidant de la Generalitat naguère occupé par Carles Puigdemont.

 

Il est temps que l’Espagne retrouve le chemin de la démocratie et de l’état de droit et qu’elle cesse ses poursuites contre C. Puigdemont et les autres dirigeants catalans emprisonnés. Le nouveau mandat d’arrêt européen lancé contre C.Puigdemont après l’annulation du précédent de novembre dernier n’augure rien de bon à cet égard, quand on connaît les circonstances qui l’accompagnent.

 

Une Europe a-démocratique

 

A l’heure où l’Union Européenne est de plus en plus contestée, personne ne semble s’interroger sur son absence de fondement et de fonctionnement démocratiques, tant les responsables politiques sont obnubilés par le respect des souverainetés étatiques. La gestion de l’affaire catalane, dans le cadre des mandats d’arrêt européen comme à travers les soutiens explicitement apportés à M.Rajoy, n’arrange en rien l’image de cette Europe des seuls Etats.

 

Il est donc temps aussi de réformer fondamentalement l’Union Européenne, en particulier pour donner aux territoires et aux Peuples qui s’affirment en son sein une reconnaissance leur permettant de participer pleinement au processus de décision européenne sur les questions qui les concernent directement. C’est une condition pour que l’Union échappe à l’emprise des grands Etats qui la dominent en oubliant les peuples et les territoires d’Europe ; une des conditions, parmi d’autres, de sa survie à terme.

 

                                                               Gustave ALIROL, président de R&PS