Mayotte: un caprice néocolonial sans avenir

Après plus de trois semaines de grève générale à Mayotte, la ministre des Outres-mers, Mme Annick Girardin, a annoncé, conjointement avec le ministère de l’intérieur, une série de mesures sensées sortir l’archipel de l'impasse. 

 

Pour Régions et Peuples Solidaires (R&PS), le problème de Mayotte ne peut se résumer à la simple question de l’immigration clandestine et de la violence. L’envoi de forces de l’ordre supplémentaires et un contrôle renforcé des frontières de l’archipel sont inappropriés eu égard à la nature du problème.

La pression démographique est une réalité à Mayotte mais elle est le produit de mouvements de population essentiellement internes aux Comores. Que les habitants vivent à Mayotte, Mohéli, Anjouan ou sur l’île de Grande Comore, tous partagent la même culture : la culture comorienne. Mayotte est un département français mais c’est un accident de l’Histoire. Le rattachement à la France s’est fait dans les années 70 en dépit du droit international et des condamnations de l’ONU[i] . Les Comoriens avaient, en effet, voté pour l’indépendance de la France.

 

Les infractions violentes et les cambriolages sont à Mayotte une autre réalité indéniable, beaucoup plus fréquents qu’en métropole, et même que dans la majorité des Outres-mers. En 2015, pour donner quelques chiffres, la moyenne des cambriolages sur l’île était de 23,5 pour 1000 logements contre 10,2 pour 1000 de moyenne dans les outres-mers et 7 pour mille de moyenne en France métropolitaine[ii]. Cette délinquance est donc aussi le produit d’une crise sociale et de l’abandon des Mahorais par la France.

 

 

 

La France a voulu que Mayotte soit française mais son niveau de développement est très éloigné de celui de la France et des standards européens. Avec un PIB équivalent à 33% de la moyenne européenne, Mayotte est le territoire le plus pauvre de l’Union Européenne. Son taux de chômage de 27,1% est le sixième plus élevé de l’UE. Quand aux jeunes de moins de 25 ans, un sur deux est sans emploi.

 

Le niveau de scolarisation est lui aussi extrêmement faible. En 2014, 68% des Mahorais nés sur l’île est sans diplôme et 1/3 des jeunes de moins de 15 ans n’a même jamais été scolarisé. Certes, le taux d’emploi augmente à Mayotte (il n’a même jamais été aussi haut, depuis 2009), il reste encore près de deux fois plus bas qu’en métropole. De plus, cette croissance ne profite pas aux locaux. L’emploi est principalement dynamique dans la fonction publique d’Etat et dans les collectivités territoriales. 60% des emplois créés à Mayotte l’année dernière sont des emplois de fonctionnaires. Et ces emplois, avec un taux de scolarisation des Mahorais aussi faible, profitent essentiellement aux métropolitains expatriés dans l’océan indien. 

La France a arraché Mayotte des Comores mais sa politique néocoloniale fondée sur l’assistanat est un échec car elle n’a pas permis à Mayotte et aux Mahorais de se développer. Pour sortir Mayotte de la crise, R&PS propose de mettre fin à la sur-rémunération des fonctionnaires dans les outres-mers et de ré-aiguiller les deux milliards économisés par an[iii] vers l’enseignement et la formation des populations ultra-marines et en particulier de Mayotte. Mayotte doit renouer le fil de la collaboration avec les Comores et les territoires environnants. Le développement de Mayotte ne pourra se faire que de façon endogène en ancrant Mayotte dans son aire culturelle traditionnelle qui est les Comores, l’Afrique et l’océan indien.

 

C’est à cela que la République doit sérieusement s’atteler. Ce n’est pas ce que laisse entrevoir la gestion gouvernementale du dossier à ce jour !

 

Gustave Alirol,

Président de R&PS

 

[i] Résolution 47/9 du 27 octobre 1992 de l’Assemblée Générale de l’ONU 

[ii] Chiffres du ministère de l’intérieur. 

[iii] Rapport de la cour des comptes de février 2015