Les régionalistes ont le vent en poupe

 Longtemps marginalisés dans une France imprégnée d’une centralisation multiséculaire, les partis régionalistes obtiennent des succès électoraux grandissants. La fédération Régions et Peuples solidaires, qui réunit les principaux d’entre eux, tient son université d’été du 24 au 26 août 2017 à Kintzheim (Bas-Rhin)

Le maire de Carhaix-Plouguer et le régionaliste breton Christian Troadec participent à une manifestation pour la réunification du département de la Loire-Atlantique en Bretagne le 27 septembre 2014. / Jean-Sebastien Evrard/AFP
Le maire de Carhaix-Plouguer et le régionaliste breton Christian Troadec participent à une manifestation pour la réunification du département de la Loire-Atlantique en Bretagne le 27 septembre 2014. / Jean-Sebastien Evrard/AFP

 

 

« Pour la première fois aux élections législatives de 2017, Régions et Peuples solidaires a obtenu trois élus sans alliance avec un parti hexagonal », se félicite Gustave Alirol (Parti occitan), en ouverture de l’université d’été de la fédération de partis autonomistes qu’il préside.

Trois membres du Parti de la nation corse siègent en effet désormais à l’Assemblée nationale parmi les députés non-inscrits, Jean-Félix Acquaviva (Haute-Corse, 2e), Michel Castellani (Haute-Corse, 1re) et Paul-André Colombani (Corse-du-Sud, 2e).

 

Un premier député autonomiste breton en 2012

 

Depuis les débuts de la Ve République, les seuls autonomistes venaient d’outre-mer, à l’exemple du Parti progressiste martiniquais (d’Aimé Césaire à Serge Letchimy) ou du Parti socialiste guyanais (de Justin Catayée à Gabriel Serville). Outre-mer, les sympathies de Régions et Peuples solidaires vont cependant aux indépendantistes, Mouvement indépendantiste martiniquais (Alfred Marie-Jeanne, Jean-Philippe Nilor) ou Tavini Huiraatira en Polynésie française (Oscar Temaru, Moetai Brotherson).

 

Proche de l’Union démocratique bretonne, Paul Molac (Morbihan 4e) a été élu député en 2012 avec le soutien d’Europe-Écologie Les Verts et du PS. Il a été réélu en 2017, dès le premier tour, avec cette fois l’investiture de La République en marche.

 

Présent à l’université d’été, Paul Molac défend la possibilité pour les régions métropolitaines « d’adapter » les lois, sur le modèle de l’outre-mer (article 73 de la Constitution). Il propose en outre « la fusion des départements avec la région Bretagne au sein d’une assemblée unique, comme c’est déjà le cas en Corse ».

 

Victoire des régionalistes en Corse en 2015

 

Aux élections territoriales de décembre 2015, c’est une alliance entre autonomistes (Parti de la nation corse de Gilles Simeoni) et indépendantistes (Corsica libera de Jean-Guy Talamoni) qui a gagné les élections. Un nouveau scrutin est prévu en décembre 2017, avant l’installation de la collectivité unique.

 

Aux législatives, les trois candidats autonomistes de cette alliance ont tous été élus, tandis que l’unique indépendantiste (Jean-Paul Carrolaggi ; Corse-du-Sud, 1re) a été éliminé dès le premier tour. La principale revendication des députés est « la prise en compte des délibérations votées par l’Assemblée de Corse : statut de résident, coofficialité de la langue corse, inscription de la Corse dans la Constitution, rapprochement et amnistie des prisonniers politiques ».

 

L’assemblée de Corse a adopté dès avril 2014 un statut de résident, conditionnant l’accès à la propriété à une résidence préalable de cinq ans en Corse. Le tribunal administratif de Bastia a pourtant annulé pour illégalité les délibérations des conseils municipaux destinées à appliquer ce statut controversé.

 

Avancée des régionalistes en Alsace depuis 2015

 

L’implantation des partis de Régions et Peuples solidaires est très inégale. En Corse, l’alliance « Pè a Corsica » entre autonomistes de la fédération et indépendantistes a totalisé 30 % des suffrages exprimés au premier tour.

 

En Bretagne, la plateforme « Oui la Bretagne » a obtenu en moyenne 2 % des suffrages exprimés. Les deux meilleurs scores n’ont pas été récoltés par l’Union démocratique bretonne mais par ses alliés du mouvement Bretagne et Progrès, Christian Troadec (14 %) et Christian Derrien (8 %). Un candidat soutenu par Régions et Peuples solidaire s’est néanmoins qualifié au second tour avant d’être battu : le député sortant divers gauche Jean-Luc Bleunven (Finistère, 3e), également investi par le PS.

 

Le scrutin n’a guère été plus favorable à la plateforme « Oui au Pays catalan » (3 %), au Parti occitan (2 %) ou au Parti des mosellans (1 %), ainsi que pour l’unique représentante du Mouvement Région Savoie – Initiatives Démocratiques Savoie (moins de 1 %).

Les résultats ont en revanche été meilleurs pour la coalition « Pays basque Oui » (« Euskal Herria Bai », 9 %) et pour Unser Land en Alsace (7 %), avec la qualification inédite d’un de ses candidats au second tour (Gérard Simler ; Bas-Rhin, 5e).

 

Vers une collectivité unique d’Alsace ?

 

Ce n’est donc pas un hasard si l’université d’été de Régions et Peuples solidaires s’est tenue cette année en Alsace et non en Corse comme traditionnellement. Avec une audience élargie, puisqu’y ont participé Olivier Klotz, le président du Medef Alsace, ou Raphaël Schellenberger, jeune député Les Républicains.

 

Celui-ci a d’ailleurs annoncé « à l’automne » une initiative commune de parlementaires La République en marche, Les Républicains et UDI pour la création d’une « collectivité territoriale alsacienne cumulant les compétences d’une région et d’un département ». Pour les uns il s’agirait d’un aboutissement, pour les autres d’un premier pas vers l’autonomie d’une « nation alsacienne » jouissant d’un « statut particulier » plus étendu que l’actuel droit local.

 

« Les dernières législatives ont fissuré le mur jacobin. On ne sait pas quand il tombera. Mais une chose est sûre, nous sommes dans le sens de l’histoire », se réjouit ainsi Jean-Georges Trouillet, secrétaire général d’Unser Land.

 

Laurent de Boissieu