Le 30 août dernier, la Commission européenne a pris une décision historique en déclarant illégal l'accord fiscal signé entre le gouvernement irlandais et le géant à la Pomme. Cette décision représente -enfin- un espoir de voir l'Europe devenir ce qu'elle aurait dû -et devrait- toujours être.
L'Europe qui protège
Quand la Commissaire européenne, Margrethe Vestager (Libérale danoise) décide de faire son travail, elle ne le fait pas à moitié! Adulée dans son pays, respectée à Bruxelles, elle est désormais crainte dans les Conseils d'Administration des plus grandes multinationales du monde. Car, après avoir engagé des poursuites contre les géants Google ou Starbucks, par exemple, c'est à Apple que s'est attaqué la Commissaire européenne.
Et elle a pris, avec le soutien de l'ensemble de l'Exécutif européen, une sanction historique. 13 milliards d'euros! Elle a condamné Apple à rembourser 13 milliards d’euros, plus les intérêts, au gouvernement irlandais. En effet, l'Exécutif européen a considéré que les réductions d'impôt sur les bénéfices que l'Irlande a offertes à Apple sont tout simplement illégales. 10 ans d'impôt à rembourser en une fois, ça fait mal et ça fait 13 milliards d’euros pour le Trésor irlandais.
A titre de comparaison, 13 milliards d'euros en Irlande, cela correspondrit, proportionnellement, à un remboursement de 100 milliards d'euros si le cas avait eu lieu en France. C'est tout simplement énorme et historique et c'est autant que les contribuables irlandais n'auront pas à payer, soit par des impôts supplémentaires, soit par des mesures d'austérité nouvelles. Quand la Commission européenne fait son travail, lutter contre les aides d'Etats illégales, lutter contre la puissance des multinationales qui font du chantage à l'investissement pour éviter l'impôt, elle incarne l'Europe dont nous avons besoin, l'Europe qui protège.
Paradoxes!
Prise par une Commissaire libérale, soutenue par une Commission européenne dominée par les Conservateurs, les Libéraux et les Sociaux-libéraux, et contestée... par le Premier Ministre irlandais qui ne veut pas de l'argent d'Apple pour apurer ses comptes, cette décision est aussi paradoxale mais tout à fait légale et juste.
Un autre paradoxe, le précédent Commissaire en charge du dossier, le socialiste espagnol Joaquin Almunia, n'avait jamais mené la guerre contre les grandes multinationales, bien au contraire, c’était un défenseur du compromis avec les grandes entreprises. Le résultat fut nul, à tout point de vue, aucune amende ni condamnation pour les plus grandes multinationales pourtant poursuivies pour violation du droit européen et comportement immoral.
Cette décision, du fait de l'état du droit européen, fera que le complice, l'Etat irlandais, récupèrera les 13 milliards d’euros alors que les autres pays ont tous été des victimes potentielles de cet accord illégal. Il serait judicieux qu'à l'avenir ces remboursements, tout comme les amendes infligées par la Commission européenne dans le cadre des ententes illicites ou des abus de position dominante, retournent au Budget européen, seul outil budgétaire à bénéficier, in fine, aux vraies victimes, les citoyens européens, y compris les Irlandais.
Mais le plus grand paradoxe, c'est de voir le Premier Minsitre irlandais dire qu'il ne veut pas de l'argent d'Apple. En creux, cela revient à dire à ses compatriotes que le calice se boit jusqu'à la lie! Les tensions montent au sein du gouvernement car de nombreux ministres ont bien compris que valider l'illégalité de cet accord, c'était ouvrir la porte à d'autres cas, Apple étant probablement le premier, le plus gros mais sûrement pas le dernier, et que cela risquait de saper les fondements de l'économie irlandaise basée sur une fiscalité (plus qu')attractive au détriment des autres pays d'Europe ; mais ils ont aussi compris que leur devoir est de défendre l'intérêt des citoyens irlandais, pas celui des actionnaires d'Apple qui devront se ''serrer'' la ceinture, pour une fois.
Vers la fin du dumping fiscal?
Apple, sans surprise, a fait appel de cette décision car cela reviendrait à faire exploser son modèle économique qui se base sur ''l'exportation" de ses bénéfices dans des paradis fiscaux afin non pas de baisser les prix de ses produits, ni même d’augmenter le salaire de ses employés mais d’augmenter les revenus de ses actionnaires tout en asséchant les comptes publics des pays dans lesquels il ne paye pas ses impôts.
Espérons que la justice européenne confirmera le remboursement des 13 milliards d’euros et que ce cas sera le début de la fin du dumping fiscal en Europe. En effet, afin d'attirer les grandes entreprises, les Etats membres, notamment l'Irlande, les Pays-Bas et le Luxembourg pour ne nommer qu'eux, essayent "d'extirper" à leurs voisins des revenus fiscaux en abaissant leur fiscalité et/ou en signant des accords plus qu'avantageux pour les multinationales.
Tout en respectant le droit des peuples à fixer, voter et prélever l'impôt en fonction de leurs choix politiques, nous devrions aller vers une harmonisation des bases fiscales en Europe, au moins pour l'impôt sur les bénéfices des entreprises. L'heure de la concurrence déloyale en matière fiscale doit sonner pour laisser place à une Europe de la coopération fiscale où chacun payera son impôt en fonction de ses moyens.
Messieurs de la grosse pomme, payez les premiers!
Roccu GAROBY
Vice-Président de l'Alliance Libre Européenne Jeune