"La biodiversité n'est pas uniquement naturelle, elle est aussi culturelle"

TRIBUNE - Le patron d'EELV David Cormand et deux autres colistiers écologistes appellent à "reconnaître êtres humains et animaux". Ils souhaitent que l'Europe "pense le changement depuis les territoires".

 

La tribune du patron d'Europe Ecologie - Les Verts, David Cormand, de Lydie Massard et de François Alfonsi, tous candidats aux élections européennes sur la liste emmenée par Yannick Jadot : "Les écologistes comme les autonomistes aiment rappeler que pour être efficace, il est nécessaire de 'penser local et agir global'. Ce slogan a tellement été utilisé par les uns et les autres qu'au fil du temps, il s'est affadi. Il reste pourtant une boussole pour quiconque a l'ambition de réconcilier l'être humain avec son milieu.

Or, trop souvent encore, nos sociétés occidentales opposent les concepts de 'nature' et de 'culture'. C’est la raison pour laquelle celles-ci ont tendance à devenir 'hors sol', déracinées. On peine encore aujourd'hui à imaginer un monde où l'être humain ne chercherait plus à dominer son environnement, mais à s'y fondre, à s'y adapter. C'est que nous n'avons pas encore appris à parler avec ce qui nous est différent, notre vision est toujours résolument anthropocentrée.

Aujourd'hui, pourtant, on sait que les animaux disposent eux aussi d'un langage qui leur est propre et que les arbres communiquent entre eux. Hélas, le dialogue inter-espèces reste encore trop timide. Et si la nôtre a besoin de se nourrir, de se chauffer, de se vêtir, la notion de 'respect' de ce que la Nature nous apporte a disparu avec l'accélération du productivisme.

Pourtant, l'être humain est, comme n'importe quelle autre espèce animale ou végétale, un produit de son lieu de vie. Et de même que chaque territoire possède ses spécificités, chaque individu qui y vit dispose des siennes. C’est cette diversité que la liste 'Votez pour le climat' souhaite promouvoir car la planète Terre abrite des biotopes multiples et complexes et c'est ce foisonnement qui fait toute sa richesse.

Mais la biodiversité n'est pas uniquement naturelle, elle est aussi culturelle. Parler une langue, n'est-ce pas finalement lire un paysage? Le vocabulaire n’est-il pas lui aussi le produit du milieu dans lequel chacun évolue? Du langage transparaît une façon de vivre le monde, de l’appréhender. En breton, les feuilles des arbres sont bleues, la richesse sémantique pour exprimer des sentiments en langue occitane est incroyable et plus loin de nous, le peuple Sami dispose de plus de cent mots pour parler de la neige! Tous les peuples du monde expriment leur réalité, leur quotidien à travers des langues différentes.

Concrètement, accepter l'idée qu'une langue vaut plus qu'une autre reviendrait à affirmer qu’un panda 'vaut plus' qu’un lombric. Sur quels critères objectifs? Aujourd’hui, la loi protège les éléphants ou les dauphins, portés au rang de symboles, mais aucune directive ou loi ne s’intéresse au sort des insectes décimés par les pesticides ou l’urbanisation galopante. Dans le même ordre d'idées, qui se soucie du sort du phyto et du zooplancton pourtant base de la chaîne alimentaire maritime?

Dans le monde actuel, ce qui est petit ou fragile est méprisé, écrasé, ce qui est minoritaire est moqué, stigmatisé. De la même manière, les langues d'Etat sont officielles dans l’Union européenne, mais les autorités refusent aux langues dites 'régionales' un statut officiel en France… alors même que leur préservation est une condition sine qua non pour devenir membre de cette même Union! N’est-ce pas la preuve qu’au sein de notre propre espèce, humaine, nous ne parvenons pas à concevoir la diversité?

Le climat est un enjeu mondial. Presque plus personne ne remet cela en question. La méthode en revanche diffère sur le niveau pertinent pour répondre à cet enjeu. Nous voulons, nous, penser le changement depuis les territoires et agir sur l'Union européenne pour qu’elle en tienne compte dans ses politiques publiques. Nous n'oublions pas qu’êtres humains et animaux vivent quelque part, qu’ils ont besoin de proximité, de reconnaissance. Ils crient constamment leur envie d'exister. La reconnaissance, c’est la clef du respect.

Nous renvoyons dos à dos ceux qui exagèrent les différences pour leur profit et ceux qui souhaitent uniformiser et niveler vers le bas la richesse culturelle. Reconnaître chacun pour ce qu’il est et tenter de vivre ensemble, sur la même planète, 'unis dans la diversité'. C’est à cela qu'aspirent les écologistes et les autonomistes."

* Par David Cormand, secrétaire national EELV ; Lydie Massard, UDB/Régions et Peuples solidaires ; François Alfonsi, Femu a Corsica/Régions et Peuples solidaires. Tous sont candidats sur la liste Votez Climat portée par Yannick Jadot