Européennes : pourquoi les autonomistes corses et les régionalistes soutiennent-ils la liste EELV ?

L'autonomiste Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse, était présent mardi soir au dernier meeting de la liste écologiste de Yannick Jadot. Des militants régionalistes sont également présents sur cette liste. Des soutiens qui s'inscrivent dans une logique d'alliance déjà ancienne.

 

"Les Corses ont fait de l'écologie comme Monsieur Jourdain faisait de la prose : sans le savoir." Le dernier meeting de campagne d'EELV, mardi soir, comptait parmi ses invités d'honneur l'élu nationaliste Gilles Simeoni. A la tribune, le président du Conseil exécutif de Corse est venu apporter un ultime soutien à la liste conduite par Yannick Jadot, qui compte parmi ses membres six personnalités régionalistes, dont François Alfonsi - à la 9e place, position éligible -, ex-député européen déjà élu en 2009 avec les écologistes, et membre de Femu a Corsica, parti autonomiste corse. 

"Nous sommes ici", a déclaré Gilles Simeoni, "comme des militants qui ont participé à une histoire qui, depuis 50 ans, s'est confondue avec les combats de l'écologie". Le patron de l'exécutif corse a cité plusieurs de ces combats, dont la mobilisation contre les projets d'essais nucléaires en Haute-Corse dans les années 1960, la lutte contre les boues rouges dans les années 1970 et, "pendant trente ans", la lutte "avec de moyens pour certains illégaux, pour empêcher l'urbanisation sur nos côtes". Jusqu'à la mobilisation actuelle "pour faire que les ressources naturelles soient protégées".  

 

Début mai, Yannick Jadot avait déjà vanté, dans une interview accordée à Corse Matin, "une histoire ancienne et sincère de convergences sur l'écologie, la reconnaissance de la diversité et l'autonomie, c'est-à-dire le pouvoir à l'échelle des territoires". 

Comme le soulignait récemment Le Point, cette histoire d'amour entre une partie des élus corses - pas tous- et les écologistes ne date pas d'hier et ne constitue pas vraiment une surprise. Au-delà des combats environnementaux qui ont vu des militants corses et écologistes converger depuis un demi-siècle, une stratégie d'alliance politique s'est forgée il y a déjà trente ans, à l'occasion des élections européennes. En 1989, à la suite d'un accord entre l'Union du peuple corse et les Verts d'Antoine Waechter, Max Simeoni, l'oncle de l'actuel président de l'exécutif corse et frère d'Edmond Simeoni, l'un des pères du nationalisme corse récemment décédé, s'était porté candidat aux européennes. Entre 2009 et 2014, cette association a permis aux élus corses de compter un député au Parlement européen. En outre, fin 2015, les écologistes ont compté parmi les premiers soutien aux nationalistes nouvellement élus à la tête de la collectivité. 

 

Au-delà du candidat corse François Alfonsi, EELV compte sur sa liste six personnalités régionalistes issues de Régions et peuples solidaires (R&PS), une fédération de mouvements qui prône le "dépassement de l'Europe des Etats" et promeut "l'autonomie" des territoires contre "le centralisme parisien". Parmi ces personnalités : Lydie Massard, membre de l'Union démocratique bretonne, Lucien Betbeder, élu du Pays Basque ou encore Amélie Cervello, qui défend la création d'une collectivité du Pays Catalan. 

 

"Les élus régionalistes et écologistes sont déjà rassemblés au sein du groupe Verts-Alliance libre européenne (ALE) au Parlement européen", explique à LCI la porte-parole d'EELV, Sandra Regol. "C'est cohérent, puisque nous défendons la diversité culturelle et les territoires avec des gens qui ont les mêmes combats que nous. Nous avons en commun de porter l'Europe des régions, en partant du principe qu'il faut donner plus de pouvoir à l'action politique locale." Derrière cette revendication, écologistes et régionalistes prône une évolution institutionnelle similaire : une Europe "fédérale" dotée de compétences dépassant le cadre des Etats. 

 

L'actuel groupe Verts-ALE compte 52 sièges répartis entre plusieurs mouvements, écologistes européens, autonomistes de Galice, du Pays Basque, ou encore indépendantistes catalans, écossais et gallois. "Dans beaucoup de régions européennes, les écologistes sont avant tout des régionalistes", explique à LCI Pèire Costa, directeur de R&PS. "C'est logique, puisque l'écologie part des territoires. Les deux familles sont nées de la lutte de terrain, comme par exemple avec 'Gardarem Lo Larzac', un combat mené avec les autonomistes occitans." Au sein de ce groupe, "les votes sont cohérents", assure également Pèire Costa. "Bien qu'il s'agisse de familles politiques différentes, il y a une affinité intellectuelle."

 

Malgré la convergence idéologique, les mouvements écologistes et régionalistes peuvent malgré tout avoir certaines "divergences", note Sandra Regol. Les écologistes sont notamment attachés à la permanence de "chefs d'orchestre" au niveau national ou européen pour "lutter contre les inégalités sociales". "La différence, peut-être, avec les écologistes, c'est que nous avons ajouté le combat pour la démocratie, la liberté de décider soi-même, d'où le concept d'autodétermination", observe Pèire Costa. L'autodétermination, illustre ce dernier, permettrait par exemple de décider de l'installation d'une centrale nucléaire, ou même de définir le périmètre d'une collectivité locale. Un concept absent du socle programmatique des écologistes français pour le scrutin européen.