L’Euro, 20 ans, le revers de la médaille

L’Euro est un bouclier, un hoplon, qui protège mais qui est lourd et encombrant, c’est le revers de la médaille. Désormais, il est plus que temps de le réformer et de le compléter. Régions et Peuples Solidaires porte de nombreuses solutions pour cela, en voici quelques-unes.

 

La sarisse

 

Tout comme une tactique défensive sans stratégie offensive est un suicide militaire, une politique monétaire sans politique fiscale n’a aucun sens. Même Keynes préférait la politique fiscale à la politique monétaire. C’est pourquoi si l’Euro est, tel l’hoplon, un bouclier lourd mais résistant, la zone euro a besoin de façon urgente, telle la phalange hoplitique, d’une arme offensive pour gagner une bataille : la sarisse, autrement dit un budget fédéral fort et ambitieux.

 

Il est donc temps, comme le préconisait déjà il y a 30 ans Jacques Delors, que l’Euro soit adossé à un véritable budget européen. L’actuel est dérisoire. Pour 500 millions d’Européens, il est 2 fois plus petit que celui de l’État français prévu pour 65 millions de personnes ! Pire, il ne pèse que 1% du PIB de l’Union Européenne, quand celui de l’État allemand pèse environ 13% du PIB allemand, celui de l’État français 17% du PIB français… et celui de l’État américain dépasse allègrement les 20% du PIB américain !

Ce budget européen ambitieux doit servir à l’amélioration des politiques européennes existantes, avec une véritable Politique Agricole Commune durable, une Politique de Cohésion renforcée pour assurer la solidarité entre les territoires, mais il doit, à terme, devenir le socle d’une assurance chômage européenne permettant de lutter contre la pauvreté et le chômage et évidemment d’harmoniser par le haut les droits sociaux en Europe.

 

Démocratiser les institutions

 

Mais il ne peut y avoir de politique budgétaire sans gouvernement, au sens d’un Exécutif responsable devant un Parlement démocratiquement élu, ‘‘no taxation without representation’’ diraient nos amis britanniques. C’est pourquoi la Commission européenne doit devenir le véritable Gouvernement fédéral européen, responsable devant le Parlement démocratiquement élu par les peuples européens, afin d’appliquer le budget voter par ce dernier.

Et comme il n’existe pas de Parlement plénipotentiaire sans pouvoir fiscal et législatif, ce dernier doit pouvoir, comme la Commission européenne, proposer des règlements et des directives européennes et voter les impôts au niveau européen.

De plus, dans un vrai système fédéral, au côté du Parlement européen, l’équivalent de la chambre basse, il doit y avoir une chambre haute, représentant les territoires (les États et les régions). Ce véritable ‘‘Sénat des États et des régions’’ devra remplacer le Conseil de l’Union Européenne et le Conseil européen. Et surtout, il devra se démocratiser en devenant transparent et en rendant public tous les débats, textes et votes, y compris à l’Eurogroupe, véritable boîte noire antidémocratique, pléonasme s’il en est.

 

Le nerf de la guerre ?

 

Comme il n’y a pas de dépenses, (le budget), sans recettes, (l’impôt), ce budget doit être financé, car c’est un véritable instrument au service de l’investissement public dans la protection de l’environnement, dans la solidarité entre les citoyens, les peuples et les territoires et dans l’avenir.

Pour cela, l’Union Européenne est le niveau d’intervention nécessaire pour taxer certains acteurs ou secteurs qui échappent à l’impôt, à cause de la mondialisation, du dumping fiscal ou de l’évasion fiscale. La taxe sur les transactions financières, la taxe sur les géants du numérique, la taxe carbone aux frontières, l’impôt sur les multinationales… ne peuvent être créées, pour être efficaces, qu’au niveau européen. À l’inverse, une myriade de taxes ayant le même but mais dans 28 États ne feraient que créer de nouvelles opportunités pour échapper à l’impôt et ne provoqueraient qu’une colère citoyenne supplémentaire. Seuls, peut-être, des conseillers fiscalistes qui vendraient cher leurs connaissances pour aider les grands de ce monde à ne pas payer ces nouveaux impôts se frotteraient les mains.

Chaque année, l’Union Européenne perd 1000 milliards d’euros de recettes fiscales à cause de l’optimisation fiscale, de l’évasion fiscale ou de la fraude fiscale. Soit 7 fois plus que le déficit public cumulé des 28 États membres de l’Union Européenne. Bref, le stock de sarisses existe, l’argent est là juste planqué où il ne faut pas.

 

‘‘Francfort mon amour’’

 

Mais revenons à l’Euro. Si l’Euro est le symbole de l’Union Européenne comme l’hoplon synthétise la phalange, alors le cœur de l’Europe bat à Francfort, au siège de la puissante et indépendante Banque Centrale Européenne (BCE). Véritable tour de commandement de la zone euro, la BCE dirige la politique monétaire. Or, la BCE est différente des grandes banques centrales mondiales.

En effet, ces dernières ont un double mandat : lutter contre l’inflation et soutenir l’économie. Or, la BCE ne peut remplir le 2nd mandat que si le premier objectif est atteint. Autrement dit, en cas d’inflation, la BCE doit affaiblir encore plus l’économie en haussant les taux d’intérêt. Dogme néolibéral s’il en est, imposé par Berlin dès sa création. Absurde !

La BCE doit pouvoir adapter sa politique monétaire en fonction de la situation économique et sociale mais surtout, elle doit devenir plus transparente et être contrôlée démocratiquement. La nomination des membres de la BCE devrait être débattue et validée publiquement au Parlement européen, seule institution élue au suffrage universel direct, faut-il le rappeler.  

Pour ses 20 ans, l’Euro a prouvé qu’il était solide et résistant, désormais il doit être réformé et complété afin d’être utile aux peuples d’Europe. Et pour cela, il faudra dépasser l’Europe des États pour construire l’Europe des peuples !

 

C’est le revers de la médaille, on ne peut pas avoir créé, avec le traité de Maastricht, une monnaie fédérale sans y ajouter un gouvernement fédéral, un Parlement fédéral, un budget fédéral, et une démocratie fédérale. C’est en tout cas le message que porte Régions et Peuples Solidaires.

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Roccu GAROBY

Porte-Parole de Régions et Peuples Solidaires