Le « rêve européen » des partis régionalistes

Les partis autonomistes ou indépendantistes réunis dans la fédération « Régions et Peuples solidaires » soutiennent l’idée d’une Europe fédérale.

 

Si des partis français critiquent la construction européenne jusqu’à vouloir en sortir, certains y voient à l’inverse un moyen de faire avancer leurs idées en contournant ce qui y fait obstacle en France. C’est en particulier le cas de « Régions et Peuples solidaires », fédération de partis autonomistes ou indépendantistes modérés, qui vient de finaliser la rédaction de sa plate-forme programmatique pour les élections européennes de 2019.

 

L’Europe, alternative à une France centralisée

 

Face à la reprise en main de la France par les jacobins de tous bords, l’Europe représente une alternative », plaide Gustave Alirol (Partit Occitan), président de « Régions et Peuples solidaires », en parlant de « recentralisation à marche forcée » en France depuis près de quinze ans. L’Europe certes, mais pas l’Union européenne actuelle. Une autre Europe : « l’Europe des régions et des peuples solidaires ». La question des langues, essentielle pour les régionalistes, illustre leur dénonciation d’une « mainmise des États sur l’Union européenne ». « Toutes les langues sont égales mais à condition d’être officielles dans un des États membres. Et c’est là toute la limite de l’Union européenne, expliquent-ils. Contrairement au maltais parlé par 500 000 locuteurs seulement, le catalan, pourtant parlé par plus de 11 millions de locuteurs, au seul motif qu’il n’est la langue d’aucun État membre, n’est pas reconnu par l’Union européenne. » La plate-forme programmatique de « Régions et Peuples solidaires » propose donc que l’ensemble des langues régionales et minoritaires soient « protégées, promues et reconnues comme officielles par l’Union européenne ».

 

Une Europe fédérale

 

« L’Europe est sclérosée par les États, poursuivent les régionalistes. Pour reprendre le chemin du « rêve européen », il faudra dépasser l’Europe des États ». Concrètement, leur plate-forme programmatique prône la création d’un État européen fédéral. Avec, d’une part, la transformation de l’actuelle Commission européenne en un « gouvernement de l’Union européenne », nommé par le Parlement européen et responsable devant celui-ci. Et, d’autre part, le remplacement du Conseil européen (chefs d’État et de gouvernement) par un « Sénat bicéphale des États et des régions ».

Parallèlement, l’Union européenne deviendrait bien entendu fiscalement autonome vis-à-vis des États et remplacerait ceux-ci au Conseil de sécurité de l’ONU (dont la France et le Royaume-Uni sont deux des cinq membres permanents).

 

Des succès électoraux grandissants mais localisés

 

Mais le fédéralisme des régionalistes n’est pas seulement externe, il est également interne à travers « l’indépendance politique, administrative et financière de toutes les collectivités locales ». Surtout, ils demandent qu’« à l’instar de la Catalogne ou de l’Écosse, les nations sans État doivent pouvoir s’autodéterminer dans un processus sans entrave ». La plate-forme ne précise pas qui sont, pour la France, ces « nations sans État ».

« Régions et Peuples solidaires » est l’une des rares forces politiques à regretter le retour à une liste unique nationale. À la place, les régionalistes proposent que les parlementaires européens soient élus pour moitié « dans des circonscriptions locales » et, comme l’avait en vain suggéré Emmanuel Macron, « à partir de listes uniques à l’échelle de toute l’Europe ».

De fait, cela obère leurs chances de gagner des sièges, malgré des succès électoraux grandissants mais par nature localisés : trois députés en Corse aux élections législatives de 2017 (Jean-Félix Acquaviva, Michel Castellani, Paul-André Colombani) – auxquels s’ajoute Paul Molac élu sous l’étiquette LREM – et la qualification au second tour d’un autonomiste alsacien dans le Bas-Rhin.

 

Laurent de Boissieu, le 31/10/2018